Vous vous apprêtez à signer un contrat avec une entreprise japonaise, mais vous vous demandez si vous pouvez renégocier leur proposition ? Est-ce que c’est une pratique courante au Japon ? Réponse !
l’Histoire banale d’un demandeur d’emploi étranger au Pays du Soleil Levant
Cela fait plusieurs semaines que vous postulez régulièrement à des offres d’emploi dans votre domaine au Japon. Vous commencez à désespérer. Mais un beau jour une entreprise japonaise vous appelle pour vous dire que votre CV lui a tapé dans l’œil. Bingo !
Après quelques cris de joie, vous vous dites que c’est enfin votre jour de chance. Le job décrit dans l’offre semble passionnant. De plus, il est responsabilisant et offre de belles perspectives d’avenir. Bref, vous êtes pressé de montrer vos qualités à vos potentiels futurs collègues lors des traditionnels entretiens d’embauche.
Après ces entrevues, les responsables de l’entreprise semblent vous apprécier. Tout a l’air parfait jusqu’au moment fatidique où ils vous parlent du salaire : « Vous serez payé 1200 yens TTC par heure ».
Vous faites le calcul dans votre tête : « 1200 yens ça fait combien déjà ? Moins de 10 euros. Moins de 15 dollars canadiens ». Ce n’est pas possible, on ne va tout de même pas vous payer si peu pour un emploi de manager, non ?
Rien ne sert de vous pincer le bras. Vous ne rêvez pas. Vous n’avez pas fait d’erreur de calcul et votre interlocuteur est totalement sérieux. Rappelez-vous, les rêves, les erreurs de calcul et le second degré n’existent pas au Japon.
J’ai été plusieurs fois confronté à ce problème
Cette situation bien réelle je l’ai vécue deux fois en six mois au Japon. A chaque fois je postulais à des emplois de manager en web marketing dans des PME japonaises ciblant des étrangers. La première fois on m’avait proposé un salaire de 1100 yens par heure en temps partiel, et la seconde fois un généreux 1250 yens par heure en temps plein. Sans couverture sociale évidemment. Pour faire court, c’est autant qu’un serveur dans un restaurant.
Bienvenue au Japon, pays où les étrangers ne parlant pas le Japonais se bousculent pour les quelques offres d’emplois qualifiés à leur portée. La concurrence est rude et une bonne partie de cette main d’oeuvre qualifiée mais pas bilingue est prête à brader son temps pour rester au Pays du Soleil Levant. De nombreux chefs d’entreprise japonais le savent et ils en profitent.
« Les Japonais ne négocient pas leur salaire. »
Les employeurs m’ont toujours laissé le temps de la réflexion avant d’accepter leurs offres scandaleuses. Evidemment, en bon mec de la génération Y, la première chose que j’ai faite après mon premier entretien a été de taper sur Google : « Peut-on négocier son salaire au Japon ? ».
Bon, en Français je n’ai rien trouvé. C’est d’ailleurs très certainement comme ça que tu es tombé sur cet article. Mais en faisant la recherche en Anglais j’ai eu quelques résultats intéressants.
Je me retrouvais la plupart du temps sur des forums où des mecs fraîchement débarqués au Japon se posaient la même question que moi, et où des expatriés plus expérimentés venaient apporter leur expertise. En résumé, celle-ci ressemblait toujours à : « Au Japon il est très mal vu de renégocier son salaire. Cela ne se fait pas. Tu dois prendre ce que l’on te donne, ou alors tu peux tout simplement rentrer chez toi. Bitch. »
Dur. (CMB)
Ne pas brader son temps
Fallait-il que je me résigne à être sous-payé jusqu’à la fin de mon visa vacances-travail au Japon ? Je me suis très sérieusement posé cette question. En y réfléchissant, j’ai conclus que j’étais prêt à être payé à ce prix uniquement pour une prestation qui avait cette valeur. C’est mon passif d’étudiant en Economie qui m’a fait très vite arriver à cette conclusion.
D’un point de vue purement économique, une prestation a un prix défini par sa complexité et par la rareté des compétences qu’elle nécessite. C’est cette règle qui explique pourquoi votre médecin a un meilleur salaire que la caissière de votre supermarché. Tout travail a donc une valeur définie par le marché. Et ça tombe bien, le marché Japonais n’est pas si différent des marchés Occidentaux. De plus, le coût de la vie à Tokyo est similaire à celui des grandes villes Européennes et Nord-Américaines.
Rien ne justifiait que je sois moins payé qu’en France, puisque j’y avais été chef de projet en web marketing. A 1100 yens de l’heure, j’étais prêt à accepter un emploi de serveur mais pas un poste de manager. C’était décidé j’allais renégocier mon salaire contre l’avis des Grands Anciens Gaijins Soumis (les « GAGS », c’était plus simple à faire que l’acronyme « BANANES »).
Que se passe-t-il quand on renégocie son salaire au Japon ?
On n’a pas le job ! Nan, je déconne.
A vrai dire, je pense que les employeurs japonais qui vous font des propositions salariales aberrantes ne le font pas naïvement. Il tente de limiter leurs coûts en créant des situations entre le salariat et le servage. Cela doit très certainement fonctionner quelques fois, surtout quand on sait que les Japonais et les babtous qui se prennent pour des otakus sont plutôt dociles.
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Sauf que vous n’êtes pas stupide. La preuve, vous êtes en train de lire un superbe article qui traite du sujet. Si les employeurs se permettent de tenter de casser les prix, pourquoi vous ne tenteriez pas de les ramener gentiment à la raison ?
Dans mon cas, mes deux contre propositions n’ont pas été entièrement écartées. J’ai réussi à pratiquement multiplier par trois une offre en m’accaparant le luxe de travailler à distance depuis chez moi ou à l’autre bout du Japon. La contrepartie a été que ce qui devait être un emploi à durée indéterminée est devenu une mission de 3 mois. Quant à l’autre offre, elle a été spontanément augmentée de 50% pendant la période d’essai (ce qui reste un peu merdique), avec une revalorisation prévue à la fin de celle-ci, plus une conversion de mon visa de vacances-travail en vrai visa de travail. Youhou.
Ça fonctionne à tous les coups ?
Evidemment, tous les emplois ne permettent pas la négociation du salaire. Je pense notamment aux emplois peu qualifiés comme serveur, ou aux secteurs où il y a de nombreux demandeurs pour relativement peu de places comme l’apprentissage des langues étrangères. Dans ces deux cas, les entreprises auront peu de mal à trouver quelqu’un qui acceptera de travailler pour le prix qu’elles ont fixé.
Cela s’explique par la loi du marché que j’ai exposé plus haut dans l’article. Mais aussi par le dilemme du prisonnier de la théorie des jeux. Ça me fatigue de vous expliquer, je vous laisse copier-coller dans Google. En vrai, si vous ne le faites pas, ce n’est pas important.
Il est donc totalement possible de négocier son salaire pour tous les autres types d’emplois qualifiés. Il faut juste savoir mettre en valeur ses compétences et ne pas hésiter à comparer le salaire proposé par l’entreprise avec des salaires équivalent pour des emplois moins qualifiés. La démonstration est assez simple. Votre augmentation n’est pas garantie, mais il y a peu de chance que l’employeur décide brutalement de mettre un terme aux négociations. Donc tentez-la.
Est-ce vraiment mal vu de renégocier son salaire au Japon ?
J’ai pu discuter de ce sujet avec un recruteur au Japon qui m’a dit que les renégociations de salaire à l’embauche étaient vraiment courantes. Il m’a d’ailleurs cité l’exemple d’un candidat qui demandait à ce que son salaire annuel soit augmenté de 500 000 yens, alors que l’entreprise lui proposait déjà 19 millions de yens par an. A ce stade c’est un détail.
N’ayez donc pas peur de réclamer ce que vous pensez valoir sur le marché. Les Japonais grattent eux aussi.
[easy-tweet tweet= »« On ne négocie pas son salaire au Japon », une légende urbaine inventée par des gaijins soumis » user= »nipponrama »]
Quant à la phrase qui dit qu’« On ne négocie pas son salaire au Japon », c’est une légende urbaine inventée par des étrangers soumis qui n’ont pas trouvé d’autres moyens d’expliquer leurs revenus merdiques. S’il vous plait, soyez mieux qu’eux.
Ne pas brader son temps et celui des autres
Dernier petit conseil si vous hésitez encore à accepter cette offre misérable qu’on vous a faite. Rappelez vous que les salaires sont le résultat des lois du marché. En acceptant un emploi à un prix bien en dessous de ce qui est actuellement pratiqué sur le marché du travail, vous les modifiez. Ainsi, vous vous pénalisez sur le long terme et vous pénalisez tous vos confrères.
En effet, un jour ou l’autre, ils devront potentiellement s’aligner sur votre prix, pendant que vous essayerez éperdument de rattraper votre retard salarial. Certainement sans succès puisque vous aurez fait preuve de faiblesse dès le départ.
Bon courage à toi !