Saviez-vous que Georges Lucas s’était inspiré du kabuto d’un samouraï japonais pour créer le célèbre casque de Dark Vador, le principal antagoniste de la première trilogie Star Wars ? Ce samouraï n’est autre que Masamune Date, l’un des seigneur du Japon féodal qui a eu le plus d’influence sur l’Histoire de son pays.
Dark Vador est certainement l’un des personnages qui a le plus marqué le cinéma. La véritable figure centrale de la saga Star Wars est en fait inspiré par les guerriers du Japon féodal, et plus particulièrement par un seigneur de guerre de cette période : Masamune Date.
Masamune Date n’est certes pas aussi connu que les trois grands réunificateurs du Japon : Nobunaga Oda, Hideyoshi Toyotomi et Ieyasu Tokugawa, mais il reste un seigneur féodal qui a laissé sa trace dans l’Histoire du Japon, et a eu une influence notable sur la région du Tohoku.
Au menu de cet article :
- Entre réalité et fiction : deux casques célèbres
- La vie de Masamune Date
- Masamune Date, une icône pop !
Entre réalité et fiction : deux casques célèbres
Ce n’est pas forcément évident au premier coup d’œil, mais le casque qui a fait de Dark Vador ce personnage qui a marqué tous les esprits est bel et bien d’inspiration Japonaise. Ce sont l’illustrateur américain Ralph McQuarrie et le sculpteur britannique Brian Muir qui ont réalisé ce character design en 1976, pour l’Episode IV de la saga spatiale à succès.
En effet, si Georges Lucas avait d’abord penser puiser dans la culture Touareg pour réaliser le costume de son « Seigneur noir des Sith », c’est Ralph McQuarrie qui lui a proposé des croquis influencés par les cuirasses des samouraïs, et plus particulièrement par le casque de Masamune Date.
Le casque de Masamune Date

l’Armure de Masamune Date.
Le kabuto de Masamune Date est très connu au Japon car son ornement central (le « maedate ») en forme de croissant de lune le distingue des autres casques de samouraï. Étrangement, cet artifice n’a pas été retenu dans le design de Dark Vador, alors qu’il est l’un des éléments qui ont forgé la légende du seigneur de guerre originaire du Tohoku.
Malgré sa légère inspiration occidentale, ce kabuto fait partie d’un style de casques japonais qui a pullulé durant la période Azuchi-Momoyama, les « Kawari Kabuto », ou « casques aux formes étranges ». En effet, à la fin du XVe siècle, les forgerons japonais devaient être très inventifs afin de réaliser des casques exubérants pour leurs seigneurs, qui les utilisaient dans le but d’être reconnus sur le champs de bataille, mais aussi pour exhiber leur puissance et leurs richesses.
Ci-dessous quelques exemples de Kawari Kabuto :
Le casque du seigneur d’Oshu est si célèbre qu’il est possible d’en acheter une réplique sur Amazon pour la modique somme de 410 euros. C’est le prix à payer pour devenir un vrai samouraï sans le sabre.
Un retour aux sources un peu facile
Vous n’en croyez toujours pas vos yeux ? Attendez de voir ces statuettes de Namco Bandai qui propose des réinterprétations de Dark Vador plus marquées par le Japon féodal. Un retour aux sources un peu facile.
Voici la première figurine de Dark Vador en version japonaise, disponible sur Amazon pour « seulement » 80 euros. Le petit détail qui tue : le maedate est en forme d’Etoile noire.
Cette seconde statuette de Dark Vador est un peu plus détaillée, et elle peut se le permettre puisqu’elle coûte plus de 140 euros. Si vous êtes fan de ces figurines, sachez qu’il existe aussi des version japonisées de Boba Fett et des Stormtroopers.
Georges Lucas et le Japon
Grâce à ces statuettes, qui ne sont pas très différentes de ce qui est proposé dans l’univers Star Wars, on réalise que le Japon féodal est indéniablement l’une des sources d’inspiration de Lucasfilm. Et ce n’est pas étonnant, quand on sait que Georges Lucas est un grand fan du réalisateur japonais Akira Kurosawa.
Ce cinéaste nippon a retranscrit dans plusieurs de ses films les périodes les plus mouvementées de l’Histoire du Japon. A titre d’exemples, on ne citera que les Sept Samouraïs et Kagemusha dont les événements se déroulent du vivant de Masamune Date. Georges Lucas est d’ailleurs l’un des producteurs exécutifs de Kagemusha. Il n’y a pas de hasard !
Maintenant que nous avons parlé du lien de parenté entre le casque du principal antagoniste de la première trilogie Star Wars et le kabuto de Masamune Date. Nous allons maintenant nous pencher sur la vie passionnante de ce samouraï hors-norme.
La vie de Masamune Date
La Jeunesse du Dragon Borgne
Masamune Date est le fils aîné de Terumune Date, l’un des nombreux seigneurs féodaux de la région du Tohoku. Il naît en septembre 1567 dans le château de Yonezawa, dans l’actuelle préfecture de Yamagata.
Le Japon dans lequel grandit Masamune, alors nommé Bontenmaru, est en proie à des guerres civiles qui affectent l’archipel depuis près d’un siècle. Cette instabilité politique touche aussi bien le centre du pays, où Nobunaga Oda entreprend son plan de réunification de l’archipel, que les régions reculées du Nord du Japon où les nombreux petits seigneurs locaux font des jeux d’alliances et fomentent des trahisons dans le but d’absorber leurs voisins.

L’emblème du clan Date.
Mais ceci n’est qu’un détail pour Bontenmaru, qui doit affronter des difficultés qui l’affectent personnellement dès l’enfance. En effet, le jeune héritier du clan Date perd son œil droit après avoir contracté la petite vérole. Une légende raconte qu’il aurait arraché de ses propres mains cet organe devenu gênant.
Devenu borgne, le jeune Masamune est laissé de côté par sa mère, qui lui préfère son jeune frère en tant qu’héritier du clan Date. Elle ira même jusqu’à tenter d’empoisonner son fils ainé. Par pur pragmatisme, Masamune se résout à tuer son frère, alors qu’il n’a qu’une dizaine d’années, et met ainsi un terme au dessein de sa génitrice.
De l’accession au pouvoir à l’hégémonie dans le Tohoku
Masamune Date participe à sa première campagne militaire aux côtés de son père contre le clan Soma, en 1581. Quatre ans plus tard, il devient le chef du clan Date lorsque Terumune abdique pour lui laisser place, afin d’éviter de potentiels conflits de successions.
Mais tout le monde ne voit pas l’accession au pouvoir de Masamune d’un bon œil. L’un des vassaux du clan Date déserte pour le clan Ashina de la région d’Aizu. Masamune déclare alors la guerre aux Ashina qu’il accuse de trahison.
Cette déclaration de guerre est le début d’une campagne sanglante dans laquelle le jeune daimyo originaire de Yonezawa met à genou de nombreux seigneurs voisins, parmi lesquels on compte même des proches parents de sa famille.

Le seigneur Masamune Date.
En 1585, la cruauté de Masamune fait trembler le clan Hatakeyama, qui implore Terumune de convaincre son fils d’arrêter sa politique expansionniste. Mais cette demande sera rejetée par le père de Masamune, qui affirme lors d’un dîner avec les Hatakeyama qu’ayant pris sa retraite il n’a plus son mot à dire sur la politique menée par le clan Date.
Cette réponse ne convient pas aux Hatakeyama qui capturent alors Terumune et tentent de l’amener dans leur domaine. Masamune apprend peu de temps après que son père a été enlevé, il entreprend de poursuivre les ravisseurs pour les exécuter et récupérer Terumune.
Il les rattrape sur les berges d’une rivière, alors que les ravisseurs et Terumune s’apprêtent à traverser. C’est à ce moment que le père de Masamune lui ordonne de tirer sur les membres du clan Hatakeyama sans se préoccuper de lui. Les hommes de Masamune s’executent et foudroient le groupe de samouraïs. C’est ainsi que Terumune meurt sous les balles de son propre fils.
Après ce drame, Masamune Date fait torturer et tuer les familles de tous les hommes impliqués dans l’enlèvement de son père, et passe les années suivantes à poursuivre ses conquêtes par l’acier et dans le sang.
Masamune au service de Hideyoshi
Pendant ce temps, le reste du pays s’agite. Nobunaga Oda s’est fait assassiner par l’un de ses vassaux, Mitsuhide Akechi, en 1582. C’est Hideyoshi Toyotomi, un autre vassal du clan Oda, qui poursuit l’oeuvre de son ancien maître en soumettant la plupart des clans qui n’étaient pas encore tombés sous le joug des Oda.
En 1590, Hideyoshi Toyotomi a pratiquement terminé l’unification de l’archipel. Seuls le clan Hojo et les territoires des différents daimyos du Tohoku ne sont pas sous son contrôle.
Masamune Date est le seigneur de guerre le plus puissant du Nord du Japon, et Hideyoshi s’inquiète de cette puissance. Le futur maître de l’archipel demande allégeance à l’ensemble des clans du Tohoku, afin qu’ils participent au siège d’Odawara, la capitale du clan Hojo. Mais Masamune s’y refuse.
La légende raconte qu’Hideyoshi fort de la plus grande armée du pays encercla les troupes de Masamune avec 100 000 hommes. A ce moment, le chef du clan Date s’apprête à être exécuté, mais Hideyoshi l’épargne, et réussi ainsi à le vassaliser. Une fois le pays unifié, Masamune participe aux deux campagnes d’invasion de la Corée menées par la famille Toyotomi en 1592 et 1597.
Masamune, l’indéfectible allié d’Ieyasu
Hideyoshi Toyotomi meurt en 1598, et laisse un pays en apparence unifié, mais dans lequel plusieurs seigneurs comptent tirer profit de ce bouleversement pour prendre le pouvoir. Le plus opportuniste d’entre eux est Ieyasu Tokugawa, un ancien rival de Hideyoshi devenu son allié par la force des choses, ou plutôt par intérêt.
En 1600, le Japon est officiellement divisé entre deux camps. Les seigneurs du Sud, restés loyaux au clan Toyotomi et les daimyos du Nord, soutenant les ambitions du clan Tokugawa.

La statue de Masamune Date à Sendai.
Masamune Date se range du côté de Ieyasu Tokugawa, qui remporte contre toute attente la bataille décisive de Sekigahara. Cette victoire permet à Ieyasu d’accéder au titre suprême de Shogun. Le soutien apporté par le clan Date à la nouvelle famille shogunale est récompensé par le don du riche domaine de Sendai. Masamune devient ainsi l’un des plus riches seigneurs du Japon.
Un daimyo à la pointe de la modernité

Une lettre écrite par Masamune et qui s’adresse au pape Paul V.
En tant que seigneur de ce nouveau domaine, Masamune Date améliore les infrastructures de ces territoires nouvellement acquis, et transforme le petit village de pécheurs qu’est alors Sendai en une ville commerciale et prospère.
Masamune Date est aussi connu pour avoir encouragé la venue des occidentaux sur son fief, dont des marchands et des missionnaires jésuites portugais. Une rumeur raconte qu’il se serait converti secrètement au christianisme, mais aucune preuve n’atteste cette conversion.
Il est plus probable que le seigneur de Sendai était plus intéressé par les technologies étrangères que par les coutumes et croyances occidentales, comme l’avait fait Nobunaga Oda avant lui.
Dans un pays qui s’apprête à fermer ses frontières, Masamune Date se positionne en fervent défenseur des missionnaires étrangers qui commencent à être traqués par le shogunat. Le prosélytisme chrétien est d’ailleurs autorisé dans le domaine de Sendai.
Masamune Date est aussi à l’origine d’une des seuls missions diplomatiques menée par le Japon féodal, elle est par la même occasion la première expédition japonaise autour du monde. Une fois l’archipel pacifiée, il entreprend la construction du Date Maru, un navire qui utilise des techniques de construction navale européenne. Ce vaisseau sillonnera les océans, et se rendra aux Philippines, au Mexique, en Espagne, en France et en Italie.
Quelques membres de la mission diplomatique japonaise resteront en Espagne pour éviter les persécutions faites aux Chrétiens au Japon. Leurs descendants vivent encore en Espagne et ont pour nom de famille « Japón ».
La famille Date est restée maître du domaine de Sendai jusqu’à la restauration Meiji, au XIXe siècle. Elle a soutenu le shogunat Tokugawa pendant toute son existence, et a été un acteur majeure de l’Alliance du Nord qui a combattu pour le maintient de cette autorité militaire pendant la guerre de Boshin.
Avec une vie aussi mouvementée, on a du mal à faire la part des choses entre faits historiques et ce qui tient plus de la légende. C’est sûrement pour cette raison que Masamune Date fascine encore les Japonais aujourd’hui.
Masamune Date une icône pop !
Masamune Date étant l’un des personnages les plus illustres de l’époque Sengoku, il est souvent représenté dans les œuvres qui traitent de cette partie de l’Histoire du Japon. Cette période de guerre civile est particulièrement appréciée par les adolescents japonais. Il n’est donc pas étonnant de voir de nombreuses licences exploiter les personnages du Sengoku Jidai, notamment dans les secteurs du manga et du jeu vidéo qui ciblent en premier lieu cette tranche d’âge.
Masamune Date dans les jeux vidéos
- Masamune Date dans Samurai Warriors.
- Masamune Date dans Sengoku Basara.
Masamune Date est l’un des principaux personnages jouables des deux plus grandes licences de beat-them-all se déroulant durant la période Sengoku : Samurai Warriors (et son spin-off Warriors Orochi) de Tecmo-Koei et Sengoku Basara de Capcom. Il y est dépeint comme un jeune seigneur fougueux aux manières brutales. Son ouverture d’esprit envers les technologies et coutumes étrangères est elle aussi retranscrite dans ces jeux. Dans Sengoku Basara, le Dragon Borgne s’exprime en « Engrish », un japonais mixé avec de l’anglais approximatif. Tandis que dans Samurai Warriors, il évoque souvent son envie de s’évader hors du Japon.
Masamune Date dans les mangas
On retrouve aussi Masamune dans de nombreux mangas. Il est d’ailleurs l’un des principaux personnages de Samurai Deeper Kyo sous son nom d’enfance, Bontenmaru.
Masamune Date à la télévision

Ken Watanabe dans son rôle de Masamune Date.
En 1987, NHK relate la vie de Masamune Date dans son taiga drama annuel, une série TV historique d’une cinquantaine d’épisodes diffusée habituellement le dimanche soir. C’est le grand Ken Watanabe qui joue le rôle principal dans cette série intitulée « Dokuganryu Masamune », traduisez « Masamune, Le Dragon Borgne ». Ce taiga drama reste encore aujourd’hui le plus apprécié des téléspectateurs japonais parmi toutes les séries historiques de la NHK.
Je pense que vous l’avez compris, Masamune Date a eu un impact sur la culture pop beaucoup plus important que ce qui transparaît de lui dans Dark Vador. Ce personnage historique continue à fasciner les Japonais de part son côté obscur de samouraï sanguinaire, et sa facette plus claire de seigneur mécène et ouvert d’esprit d’autre part. Un personnage complexe qui a vécu de nombreux drames qui l’ont forgé en tant qu’homme et entraîné dans une spirale de vengeance, un peu comme Anakin Skywalker en fait.