Les parapluies au Japon

Les parapluies au Japon

Les parapluies au Japon 1140 585 Bastien

Au Japon, il y a deux types de personnes : celles qui ne sortent pas sans leur magnifique parapluie, et celles qui ne sortent pas sans 200 Yens, pour acheter un parapluie à n’importe quel coin de rue aussitôt que les premières gouttes touchent le sol. C’est un pays pluvieux. Il y sera votre meilleur ami, et ça les japonais l’ont bien compris. Je vous propose un petit tour d’horizon de ce qui pourrait être un des symboles du pays.

Un parapluie pour les gouverner tous

Si l’on ne devait en retenir qu’un ce serait celui là. Fait de plastique et de plastique, le best-seller. Il se trouve partout : à l’entrée de chaque Konbini, probablement à l’entrée de votre appartement, dans tous les bons magasins d’électronique d’Akihabara, pour peu que le tenancier ait le courage de les proposer devant son échoppe (ce qui lui assure probablement une augmentation de 50% de son chiffre d’affaire les jours pluvieux).

Ici dans sa version "manche blanc". Existe aussi en noir pour les rebelles. Tabi et Geta en option.

Ici dans sa version « manche blanc ». Existe aussi en noir pour les rebelles. Tabi et Geta en option.

Il est très abordable, existe en plusieurs tailles, et sa transparence permet d’apprécier le paysage ou d’éviter une collision avec un quarantenaire (qui pourrait très bien être déguisé en Sailor Moon d’ailleurs, n’oubliez pas qu’on est au Japon).

Le pire c’est qu’il serait presque attachant. C’est un vrai cocon dans lequel on se surprend à apprécier le son réconfortant des gouttes qui viennent s’y heurter. Des sentiments naissent. Une complicité s’installe. Vous pensez de plus en plus à lui… Jusqu’au drame.

Vous n’auriez pas dû le laisser seul à l’entrée du Konbini du coin. A votre retour il n’est plus là. La rupture est brutale et douloureuse.

"Rendez moi ce parapluie, brigand !"

« Rendez moi ce parapluie, brigand ! »

En effet, à l’entrée de chaque magasin se trouve une sorte de casier à parapluie, où ils sont supposés être déposés en entrant, et le premier badaud sortant du magasin n’hésitera pas une seconde à se saisir du parapluie de son choix. Il est tellement standard que c’en est devenu un objet échangeable, impersonnel, jetable.

La mafia du parapluie

On ne plaisante pas avec les parapluies : la JUPA (Japan Umbrella Promotion Association) est là pour veiller à ce que tout se passe bien.

Sans aucun second degré, le but de cette association est de garantir le plus haut degré de qualité, en terme de parapluies, au niveau mondial.

Attention, cet homme est dangereux.

Attention, cet homme est dangereux.

Si vous avez la chance de savoir lire le japonais, vous trouverez sur leur site un bon nombre d’interviews des pointures du milieu, les fameux Umbrella Masters.

En cherchant un peu vous pourriez même tomber sur des diagrammes de tests et autres schémas explicatifs de ce qui fait un bon parapluie, pour les plus férus d’entre vous (je ne juge pas).

« C’est bien normal que l’usine ferme, on ne pouvait pas concurrencer les Japonais »
Gérard, CGTiste fictif.

Tout cela soulève tout de même quelques questions… Étant donnée l’énorme consommation locale de parapluies, c’est une vraie manne financière, et quelqu’un en profite.

Le gouvernement, les Yakuzas, un banal cartel colombien ? J’ai la réponse, mais puisque je tiens à la vie, je vais la garder pour moi.

Et la mode dans tout ça ?

J’en entends déjà un ou deux au fond : « Mais les Japonais, les vrais, complètement lookés, ça ne les dérange pas d’avoir le même parapluie que tout le monde ?! ». Et ils ont raison.

Une shibuyette au Dai-Chu store de Shibuya, rien de plus normal.

Une shibuyette au Dai-Chu store de Shibuya, rien de plus normal.

A l’opposé de cette standardisation ultra poussée, certains et certaines n’hésitent bien-sûr pas à s’afficher avec les parapluies les plus fous. Et là aussi tout est prévu : à l’entrée de certains magasins se trouvent des stands à parapluies avec cadenas, pour laisser son précieux à l’entrée sans crise d’angoisse.

Le côté traditionnel n’est pas en reste avec trois types de parapluies :

  • Le Wagasa, le plus commun, assez solide pour être utilisé comme parapluie, avec l’élégance japonaise en plus,
  • Le Maigasa, plus léger et maniable, surtout utilisé pour les spectacles de danse
  • Le Higasa, plus grand et aux couleurs vives, plus propice aux cérémonies de mariage et autres célébrations.
Détail d'un Wagasa.

Détail d’un Wagasa.

Cela dit, depuis la généralisation des parapluies occidentaux au cours du XXeme siècle, ils sont franchement moins communs. Pour être sûr d’en croiser, dirigez vous vers Kyoto ou dans un temple en espérant tomber sur un mariage traditionnel (ça vaut le coup).

Fermez donc votre ombrelle

En effet, cet article touche à sa fin. Cela dit, ne paniquez pas si vous n’avez pas pris la peine d’acheter un parapluie ou que vous portez un poncho hideux dont vous voudriez bien vous débarrasser (on ne vous en voudra pas pour ça).

Le service Shibukasa vous permet d’emprunter un parapluie dans une vingtaine de points, restaurants et autres boutiques, dans le quartier de Shibuya, et s’est même exporté dans d’autres quartiers de Tokyo. L’association a été créée par des riverains de Shibuya qui ne supportaient plus de voir tant de parapluies abandonnées dans les rues. Une bonne initiative comme on en voit trop peu, si vous voulez mon avis.

Touristes à Nara sous la pluie

Cet homme a le sens des priorités : abriter son appareil photo plutôt que sa femme.

Je ne peux pas boucler cet article sans vous raconter cette petite anecdote : à l’entrée d’une épicerie, mon comparse Michaël et moi avons pris l’initiative de déposer nos fringants parapluies dans un petit recoin derrière un étal de légumes.

Quel erreur. En revenant juste deux minutes plus tard ils n’étaient plus là.

Une âme bienveillante les avaient rangés à leur place, dans le « casier commun« . On ne plaisante pas avec l’ordre. Et cette vieillarde de sourire en nous regardant. J’ai pu lire dans son regard quelque chose comme « Ces occidentaux sont tellement stupides qu’ils en seraient presque attendrissants« . Plus jamais je ne prendrai cette liberté.
Enfin un grand merci à mon amie Maud qui m’a gentiment fourni la première photo de l’article, puisqu’elle n’a pu abandonner son parapluie japonais et l’a donc ramené ici-bas.

Il est temps de se dire au revoir, alors à bientôt j’espère, sous un parapluie en Bretagne ou au Japon.

Bastien

Aime le vert, les transports en communs, la bière ambrée. N'aime pas la betterave, la pluie, les objets oranges.

All stories by : Bastien
  • Je me sens un peu con… J’ai totalement effacé de ma mémoire ton anecdote. Diffamation ? 😉

    • Une épicerie au bout de la rue de l’appart d’Osaka, non kombini, genre à l’ancienne, familiale.

      J’espère que les couleurs de ton prénom étaient à ton goût sinon 😉

  • Voici une lecture très intéressante, et en plus vous n’aimez pas la pluie ! Je comprends que vous teniez à votre 傘 !

  • j’avais un parapluie blanc pendant mes 15 jours au japon , je l’ai laissé à l’hôtel pensant qu’i ne serait pas accepté dans l’avion , quelle erreur , j’ai vu des touristes comme moi qui ramenaient leur parapluie à paris, j’en aurai pleuré, je pense tous les jours à mon parapluie .

Les commentaires sont fermés.